Fès - 21 mai 2025 - (MAP) - Le martèlement précis des talons sur scène, l'éclatement sec des doigts, le claquement des mains se répondant en écho. Un ballet de mouvements artistiques d'une précision millimétrée, une synchronisation des gestes saisissante, une complémentarité des mouvements qui semblait incarner l'esprit même des jumeaux. C'est par cette symphonie corporelle et rythmique que le spectacle "Antípodas" a d'emblée saisi le public, lundi soir au jardin historique de Jnan Sbil en marge de la 28ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde.
PortéE par les talentueuses jumelles chiliennes, Florencia Oz et Isidora O'Ryan, cette performance a exploré avec une rare intelligence le thème du double et de l'identité, laissant une empreinte mémorable par sa profondeur et son élégance.
Au cœur de cette création, réside le mythe du double. Comme l'a expliqué Isidora O’Ryan dans une déclaration à la presse, la pièce "Antípodas" prend comme point de départ le mythe du double, qui parle essentiellement du thème de l'être confronté à la dualité de sa propre identité.
Cette confrontation, ce dédoublement inhérent à l'expérience humaine, est magnifiquement transposé sur scène. Le spectacle narre le voyage intime de deux êtres, de ce moment fusionnel où elles ne formaient qu'un, jusqu’au point de bascule où l’une a cessé d’être l’autre pour embrasser sa propre individualité, questionnant sans cesse où finit l’une et où commence l’autre.
Sur scène, cette exploration se déploie à travers une esthétique minimaliste et contemporaine, recherchant l'harmonie et l'élégance de la symétrie. Florencia Oz, bailaora (danseuse de flamenco) et chorégraphe reconnue, incarne cette quête avec une danse viscérale et épurée. Ses talons martèlent le sol en rythmes complexes, ses doigts claquent, ses mains fendent l'air (palmas), chaque mouvement artistique étant une parcelle de poésie visuelle. Son flamenco contemporain, rigoureux et chargé d'une profondeur émotionnelle, sert de langage à cette introspection.
Face à elle, ou plutôt en elle, sa sœur Isidora O’Ryan, violoncelliste, chanteuse et compositrice, tisse la trame sonore de ce dialogue identitaire. "C'est un spectacle où nous sommes toutes les deux sur scène. Florencia avec la danse, moi avec le violoncelle et la voix," a-t-elle précisé. Sa musique, puisant ses inspirations dans la musique classique, le folklore chilien et espagnol, enveloppe la performance.
Des pistes enregistrées, des kicks de grosse caisse, des percussions discrètes et quelques samples viennent enrichir cet univers sonore, créant une atmosphère à la fois profonde et aérienne, où la tradition se mêle subtilement à la modernité de la musique électronique et improvisée.
La véritable magie d'"Antípodas" réside dans la symbiose parfaite entre les deux artistes. La danse, les percussions corporelles et la poésie visuelle de Florencia conditionnent la voix, l’instrument, la mélodie et la poésie chantée d’Isidora, et réciproquement. Leur synchronisation des gestes, la complémentarité de leurs mouvements, parfois en miroir, parfois en contrepoint, symbolisent avec une justesse bouleversante l'esprit des jumeaux.
Cette proposition visuelle et sensorielle, à la fois profonde et aérienne, a offert au public de Fès une méditation poétique sur la coexistence et l'individuation, confirmant le talent exceptionnel de ces deux artistes chiliennes qui continuent d'explorer les liens profonds entre flamenco, musique et danse contemporaine.